Richard RAPAICH

 
 

Richard Rapaich (1937, Budapest) arrive en France – comme près de 15 000 autres réfugiés hongrois, parmi les près de 200 000 quittant le pays, à la suite des événements de 1956. Ayant choisi Lille pour s’y installer, il a la chance de bénéficier d’une bourse pour commencer dès 1957 ses études à l’Ecole des beaux-arts locale, dont il sort en 1961, avec le diplôme national des beaux-arts.

Fond alors une famille - la nationalité française lui est accordée en 1967 - 3 enfants naissent à Lille, puis plus tard, 6 petits enfants, déjà un peu plus dispersés en France. Dès sa sortie des Beaux-arts débute un parcours de graphiste, mené sans interruption pendant près de 40 ans à Lille, exercée successivement dans plusieurs agences de publicité, ensuite en indépendant pendant sept ans, avant de co-fonder un studio de création graphique qu’il quitte en 1998, pour devenir directeur artistique d’une entreprise de presse et d’édition, jusqu’en 2000.

Depuis lors, profitant de toute une liberté de temps retrouvée pour se consacrer à des activités choisies, il retrouve notamment sa passion pour la décoration murale, en particulier la tapisserie – menée en parallèle avec l’effervescente vie de publicitaire depuis le début des années 1960 – que jalonnent de nombreuses expositions nationales et internationales, quelques prix et distinctions ici et là, de commandes publiques (dont une destinée à la collection du Mobilier national à Paris, une autre installée dans le métro de Lille), menées à bien avec la participation d’ateliers renommés – et en premier lieu, grâce à Chantal Rapaich, sa plus proche collaboratrice et compagne de toujours, depuis les « années beaux-arts ».

Plus récemment, l’autre tournant marquant a pour origine un ressourcement progressif partant du passé, aussi bien sur le plan personnel qu’historique. La mémoire ravivée de la Révolution hongroise, due en partie à la redécouverte de ses propres documents s’y rattachant, précieusement et discrètement conservés, fraîchement remontés à la surface, provoque et favorise un nouvel axe de recherche et lui assigne un objectif précis: il (lui) faut prolonger et transmettre cette histoire extraordinaire, avant qu’il ne soit trop tard. Une citation tirée d’un récent texte de l’historien d’art hongrois György Sümegi, spécialiste de l’époque post-révolutionnaire, permet de mieux en saisir le contexte par trop méconnu ici : - « (…) Richard Rapaich est l’un de ces artistes, qui avait pu saisir l’importance de fixer sur le vif tous les événements, lieux et acteurs de la Révolution qu’il a lui même vécus, approchés et vus de près, par les moyens de la photographie. Ses intentions sont d’autant plus spécifiquement personnelles, que ce sont certains faits ou éléments visuels partiels parmi ses propres photos de ’56 qu’il reprend comme matière première dans la composition de ses dessins, pastels, tapisseries, créés plusieurs décennies plus tard. Il a ainsi  matérialisé – tout en se l’imposant comme discipline – une relation structurellement étroite entre ses différentes recherches, avec une évidente interpénétration et une symbiose justifiée. Ce terroir d’activité qui enrichit certains domaines de son travail, lui confère définitivement un particularisme historique hongrois (en l’occurrence ’56-ard). (…) Ces œuvres datant de 1956, ainsi présentées pour la première fois en public, font partie des pièces importantes que la mémoire visuelle de cet événement historique conservera. – G.S. octobre 2006. »

Tout en attachant beaucoup d’importance à sauver de l’oubli cette période lourde de sens, vécue dans « l’autre Europe » de l’après-guerre, il aimerait également insister sur quelques facettes de sa double expérience un peu atypique mais totalement passionnante, nourrie et enrichie par deux cultures – en ce qui le concerne, entre racines hongroises et foisonnements françaises. Une raison opportune aussi de suggérer, que si le mot frontière signifie séparation, démarcation, cloisonnement, entre réalité et fiction, dialectique et émotion, force et faiblesse, les territoires de la fidélité restent faciles à partager.

 

BIOGRAPHIE

De gauche à droite : «Café Emke», photographie, 1956 ;

Biennale de tapisserie de Senlis 2006 ; «Memento», Pastels, 2007 ; détail de Sirocco, Tapisserie de haute lisse, 2007